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Détresses dans la nuit

Interview parue dans le "Saint-Eynard Magazine Catholique" n°64 - Noël 2015. Propos recueillis par le P. Bertrand Cardinne.

Rodolphe Baron a fondé l’an dernier l’antenne grenobloise de l’Association Magdalena, pour rencontrer des gens de la rue. Une fois par semaine, un « dîner du cœur » accueille toutes les personnes désireuses de partager un moment fraternel, sous l’église Saint-Vincent de Paul à Grenoble.

Quel type de personnes rencontrez-vous à Magdalena ? Que viennent-elles chercher en participant aux dîners ?

Nous sommes entre 25 et 50 personnes chaque mercredi à dîner ensemble, nous évitons autant que possible de faire la distinction entre bénévoles et accueillis, et nos profils sont très variés. Sur le plan matériel, cela va de la personne qui a une situation confortable à celle qui dort dans la rue. Je ne sais pas ce que nous venons tous chercher en particulier, mais chacun vient offrir de son temps à l’autre et l’accueil comme il est, sans condition. C’est un accueil réciproque, et c’est une vraie joie d’être accueilli et aimé. Mère Térésa disait que « la plus grande pauvreté, ce n’est pas d’avoir le ventre vide, c’est de n’être ni aimé, ni désiré, ni attendu de personne », et c’est cette pauvreté que nous essayons humblement de combler mutuellement.

Lorsqu’ils vous quittent le soir après le dîner, ceux que vous accueillez retrouvent-ils un lieu stable ? Où passent-ils en général la nuit ?

Nous accueillons régulièrement une famille Rom qui vit sous des tentes, des personnes dormant en foyer ou dans leur voiture, d’autres qui sont dans des squats, et enfin certains qui ont leur petit logement seul ou à plusieurs. Pour beaucoup, la fin de la prière après le dîner est un moment difficile, car c’est le retour à des conditions pénibles et dures à supporter.


Pour ceux qui ont un foyer, la nuit est un temps calme et régénérateur. Quand on n’a pas de maison, dans quel état d’esprit voit-on approcher la nuit ?

Si la nuit est évidemment nécessaire pour se ressourcer physiquement, elle est aussi synonyme de stress et d’angoisse. Ceux qui dorment dans la rue nous expliquent la violence de la nuit, les cris pour ceux qui sont en foyer, le froid et l’humidité pour les Roms sous leurs tentes, etc. C’est précisément la nuit que les personnes se rendent compte de leur précarité et de leur vulnérabilité… à l’opposé de la sécurité d’un foyer familial.


Que vous a appris la rencontre de ces personnes en situation de précarité ?

Qu’elles sont immensément riches de qualités et d’humanité, et que je suis un handicapé du cœur qu’elles accueillent avec beaucoup de patience et de douceur. Je les remercie souvent de venir partager un dîner avec nous, de leur confiance qu’elles nous accordent alors qu’elles ont si souvent été trahies, de leur sourire rayonnant qui illumine nos tables. Grâce à elles, je ressors après chaque dîner le cœur remplit de joie, alors que leurs conditions de vie pourrait me faire désespérer de l’humanité. Le Christ est parmi elles, c’est une certitude. Il partage leurs souffrances, et c’est par elles et donc grâce à elles que nous pouvons nous rapprocher de Lui. 


Article écrit par Rodolphe, le 21 décembre 2015